Réactions des activistes à l’Accord de Kelowna
Extraits des entrevues d’histoire orale du BC Labour Heritage Centre, 2018.
Stuart Alcock (Représentant pour les hommes gais, Solidarity Coalition) À l’époque, j’avais des sentiments très mitigés, et je pense que je parlais justement de ces sentiments mitigés. D’une part, j’ai compris la position du syndicat, l’Accord, ce que ça amenait. D’un autre côté, j’ai été déçu qu’ils n’aient pas eu droit à une plus grande victoire politique. Qu’ils n’aient pas été capables d’inclure d’autres choses là-dedans. Je me souviens, vous savez, des réponses de toute une gamme de personnes et il y avait pas mal, vous savez, de reproches publics et de lamentations et un sentiment de récrimination qui, à mon avis, n’était pas dans la même lignée que le mouvement syndical. Quel était l’Accord, pourquoi l’Accord devait être conclu. Donc, j’étais pris avec ces sentiments mitigés, je pense parce que j’avais des loyautés mixtes. Et les émotions de l’époque étaient telles qu’il était très difficile d’expliquer ses propres sentiments mitigés. Si vous tentiez de dire aux syndicats que vous étiez déçus, ils vous disaient : « Non, nous avons accompli quelque chose. » Et si vous disiez aux militants communautaires, vous savez, « Allez, c’était un peu inévitable. » Ils y verraient une trahison. Il y avait donc des sentiments très forts.
Ken Novakowski (Personnel de négociation, BC Teachers’ Federation) Nous étions extrêmement heureux que les enseignants aient appuyé la grève autant qu’ils l’ont fait pendant ces trois jours, mais nous n’avions aucune idée de combien de temps la grève pouvait durer. Il y avait donc un élément de soulagement, pour être honnête, que… Wow. Mais en même temps, il y avait une grande déception par rapport à ce que l’entente comprenait. Parce que le sentiment était, même alors, l’exemption au projet de loi n° 3 pour que nous puissions négocier cela, et c’était significatif pour les enseignants, très significatif et très important. Mais beaucoup d’enseignants s’inquiétaient surtout quant aux nombreuses questions de justice sociale comme la Direction générale des droits de la personne, les locataires, les droits des locataires étant, étant, supprimés. Des compressions importantes dans le financement de l’éducation et d’autres dépenses sociales. Tout cela concernait les enseignants, et aussi les enseignants… J’ai parlé plus tôt de leur sens de la démocratie. Je pense que beaucoup d’enseignants étaient très offusqués d’avoir voté pour la grève, mais de ne pas avoir eu l’occasion de voter pour retourner au travail. C’est simplement que quelqu’un leur disait, pas même quelqu’un de leur propre syndicat, leur disait qu’ils devaient retourner au travail.
Marcy Toms (enseignant, activiste communautaire) Je suis une activiste, et j’ai fréquenté des militants à la FECB, ainsi qu’à d’autres endroits. Alors j’étais, j’ai probablement pleuré. Je ne m’en souviens plus aujourd’hui, mais j’ai probablement pleuré. J’étais probablement estomaquée. Qu’est-ce qui venaint de se passer? Ces trois longues journées revigorantes, qui ont paru être trois mois remplis d’autres types d’activités, se sont terminées. Pourquoi? Que s’était-il passé? Donc au début, nous étions vraiment bouleversés, puis vraiment confus, et ensuite vraiment fâchés. Ce n’est pas tout le monde qui était de cet avis. Je pense à certains enseignants, parce que j’ai aussi participé à diverses réunions avec divers enseignants qui étaient préoccupés, mais encore dehors à manifester, mais qui se demandaient ce qui allait se passer et qui n’étaient pas particulièrement heureux de la possibilité d’une grève générale ou d’une grève plus longue. Je sais que tout le monde ne se sentait pas comme moi, mais je pense que j’étais dévastée. Avec mes attentes. Oh, vous essayez de vous retenir. Vous avez lu les livres d’histoire, fait une analyse de ce qui s’est passé au cours des cent cinquante dernières années, et vous savez quelles sont les probabilités. Mais en même temps, j’ai eu l’impression que mes attentes, du moins en ce qui concerne une sorte de solidarité syndicale et militante communautaire, et le fait de tenir une grève plus longue, avaient été anéanties.
Mervyn Van Steinburg (Coordinateur du centre d’action chômage) Une sorte de soulagement mêlé de confusion. Tous ces éléments étaient combinés en même temps. Quant à la partie relative au soulagement, comme je viens de le décrire un peu plus tôt, vous savez, pouvions-nous faire ce genre de choses dans le mouvement syndical? Et je ne suis pas ici pour dire si nous le pouvions ou non. C’est simplement… Mais il y avait un peu de soulagement, mais de la confusion au sujet de, qu’est-ce que cela signifie? Qu’est-ce que cela signifie par rapport aux 26 projets de loi? Qu’est-ce que cela signifie, vous savez, par rapport à la riposte? Est-ce terminé? Vous savez, donc, ce sont là quelques-unes des idées avec lesquelles je me suis beaucoup débattu. Et je sais que les conversations, vous savez, par le genre de trucs de la Coalition là-bas, et la même chose avec les trucs de Solidarity, et les coordinateurs des Centres d’aide aux chômeurs se parlent, essayant de se faire une idée de ce que cela signifie et de là où nous allons nous diriger maintenant. Pour ce qui est de la coordination, de l’organisation et de la lutte. Parce que nous avons tous dit clairement que le combat ne pouvait pas prendre fin. Mais nous ne savions pas comment les choses allaient se dérouler. Donc.
Lorri Rudland (Women Against the Budget) Il a reçu la promesse de remettre au système scolaire l’argent économisé par la grève du syndicat des enseignants. Bennett est revenu sur sa promesse. Alors il devait y avoir des mises à pied d’enseignants en 1984, mais maintenant elles étaient plus tôt. On lui a promis des consultations sur le Code du travail, sur les droits de la personne et sur les coupes dans les services sociaux. Bennett est également revenu sur sa parole. Et obtenir, soit dit en passant, une entente pour les consultations, ce n’est pas une très bonne entente. Mais même ces ententes, c’étaient des ententes de Bennett. Alors, à quoi s’attendaient-ils quand vous n’avez pas de compte rendu écrit de quoi que ce soit? Je pense que c’était le plan de Bennett depuis le début. Je pense qu’il avait l’intention de revenir sur sa parole. La collectivité n’a rien eu. Au cours des réunions qui ont suivi, les militants syndicaux et les militants communautaires, comme tous les autres, ont hurlé d’horreur. Et j’étais d’accord là-dessus, à mon avis. Je croyais que nous avions été complètement trahis.
Rod Mickleburgh (Journaliste du travail) Je me souviens d’avoir écrit le lundi. J’ai commencé par : « Bill Bennett a bougé, mais il l’a fait selon ses propres conditions. » Et vous savez, je pense que la conclusion se tient même après toutes ces années, parce qu’ils, le Crédit social a reculé sur l’aspect syndical de ces projets de loi sans précédent. Ils se sont débarrassés des licenciements sans motif. Les mises à pied se sont poursuivies. Il y a eu beaucoup de mises à pied, mais elles ont toutes eu lieu selon la convention collective et l’ancienneté. Au total, le Crédit social a complètement reculé sur cette question, et ils ont accepté l’élimination du projet de loi n° 2, qui frappait directement le Syndicat des employés du gouvernement de la Colombie-Britannique. Donc, en ce qui concerne les questions syndicales, les syndicats ont vraiment remporté une victoire très importante contre ce gouvernement néoconservateur, antisyndical, déterminé et narquois. Je veux dire, c’était une révolution néoconservatrice. Vous savez, Milton Friedman, à Chicago, a adoré. Il a écrit à ce sujet. La Colombie-Britannique était au premier plan. L’Institut Fraser a adoré, vous savez. En ce qui concerne les questions syndicales, le mouvement syndical a remporté une victoire importante, mais cette victoire s’est perdue à cause de la façon dont l’histoire s’est terminée. L’histoire s’est terminée de la pire façon.