A.C. Leighton : Peintre des paysages canadiens
Les Prairies canadiennes et les montagnes Rocheuses seront le sujet dominant d’A.C. tout au long de sa vie.
Son amour pour l’Ouest est né en Angleterre, avant même qu’il ne mette les pieds au Canada. Son professeur, Edward Leslie Badham, était un amoureux du genre de l’Ouest, qui a fait découvrir à son ancien élève le mode de vie de l’Ouest canadien grâce à l’exposition de l’Empire britannique de 1924 à Wembley. A.C. aurait pu y assister à un véritable rodéo : des démonstrations de lasso, de terrassement du bouvillon et d’équitation à dos de bronco par les meilleurs cowboys et cowgirls canadiens et américains de l’époque. Il semble clair que c’est là où a commencé son amour pour l’Ouest.
Avec cette expérience fascinante pour le guider, à son arrivée au Canada, l’Ouest l’interpelle. A.C. a toujours eu l’esprit d’aventure; il n’est donc pas surprenant qu’il ait passé une grande partie de son temps dans les régions sauvages du Canada à la recherche de son sujet idéal. Il a rejoint les Trail Riders of the Canadian Rockies lors de l’une de ses premières visites au Canada et a fait avec eux une randonnée en montagne à la recherche du bon panorama. Il a voyagé avec les Trail Riders à de nombreuses reprises au fil des années, peignant et dessinant en cours de route.
C’est à la même époque que le célèbre Groupe des Sept du Canada était actif. Des membres du groupe, Lawren Harris, A.Y. Jackson, Arthur Lismer et J.E.H. MacDonald, se sont rendus dans les Rocheuses au milieu et à la fin des années 1920, à l’époque où A.C. y travaillait pour le CP. Ce qui a réuni au début les artistes du Groupe des Sept, c’est leur frustration commune à l’égard du conservatisme de la plupart des œuvres d’art canadiennes de l’époque, et leur désir de créer un style typiquement canadien. Leur travail a évolué d’une peinture véritablement figurative à une représentation épurée et plus spirituelle du paysage canadien. A.C. Leighton, quant à lui, était un fervent défenseur de la tradition académique anglaise du paysage, qu’il utilisait pour représenter les régions sauvages du Canada.
Les montagnes étaient pour lui un défi bienvenu; ni le froid, ni les mouches noires ni les moustiques ne pouvaient l’en dissuader. Son besoin de peindre les montagnes était plus fort que tous les obstacles sur son chemin. Bernard Middleton, ancien étudiant et collègue artiste, a même dit que les montagnes étaient pour A.C. des adversaires qu’il devait conquérir. Middleton a été témoin de la force d’âme d’A.C. dans la nature sauvage lors des nombreux voyages qu’ils ont effectués ensemble. Ils étaient si motivés qu’ils vivaient heureux avec seulement des oignons espagnols et du bœuf en tranches pour se nourrir, couchant dans des sacs de couchage sur le sol froid et dénudé, à la recherche du bon sujet.
Assis près d’un feu crépitant après une dure journée de chevauchée vers le col du mont Assiniboine, A.C. décrit les défis extrêmes auxquels les cavaliers étaient confrontés.
« Les bancs de neige profonds rendaient l’accès impossible, car on ne pouvait pas savoir où finissaient les rochers. Après d’autres manœuvres habiles, nous avons récupéré les animaux. Arrivés au sommet, il y avait une tempête il faisait presque nuit. La neige tombait comme des tisons qui vous brûlent le visage et les mains. [..] Quand je me suis détendu, mes vêtements extérieurs et mon chapeau couvert de neige s’étaient transformés en glace comme une armure et un casque. Nous avons campé cette nuit –là dans l’obscurité. La nourriture que nous avions apportée était complètement gelée ».
Malgré le froid, il réussit à réaliser plusieurs croquis au pastel, en soufflant la neige « aussi facilement que de la poussière ».
Lors d’un autre voyage près de Banff, A.C. a souffert de graves engelures après avoir passé quelques heures dans des températures glaciales. « La plupart de ses œuvres ont été exécutées enfoncé dans la neige jusqu’à la taille, le sommet de son chevalet dépassant à peine, les pigments de sa palette raidis par le froid, peignant en aveugle, étendant pratiquement la peinture sur la toile avec les doigts ».
Les montagnes furent dures et cruelles pour A.C., mais elles avaient une grandeur qu’il a été poussé à capturer. On peut reconnaître le sublime dans son œuvre; des tempêtes terribles, des cieux dramatiques et des montagnes imposantes soulignent la puissance de la terre qui avait une telle emprise sur lui.