Entrevue avec Paul Taverner
Audio :
© 2020 South West Coast Historical Society. Paul Taverner interviewé par Robin McGruer, 27 août 2020
Transcription de l’entrevue audio de Paul Taverner :
« Paul Taverner, je suis né à Port aux Basques le 24 avril 1947. Et je suis le petit-fils de feu Benjamin Taverner qui a péri sur le S.S. Caribou lorsqu’il a été torpillé par un U-boot allemand.
« Le capitaine Ben Taverner, il était le capitaine, bien sûr. Il a d’abord été capitaine sur le [S.S.] Kyle qui desservait l’île, et ensuite il a commencé la traversée du Golfe vers North Sydney, il a commencé sur le [S.S.] Caribou. En tout cas, il avait deux fils, son fils Stan était premier officier, et son autre fils, Harold, était deuxième officier.
« Ils [le S.S. Caribou] ont quitté Sydney et ils étaient à peu près à mi-chemin dans le Golfe. Le [NCSM] Grandmère était en arrière, il a toujours dit que le Grandmère aurait dû être en avant plutôt qu’à l’arrière. Il demandait toujours à un de ses hommes, il disait, avez-vous vu le Grandmère ? Il est supposé être en arrière, derrière nous, en train de nous suivre. Et l’autre disait non, je ne l’ai pas vue. Ils ont donc continué leur route et ont été frappés par une torpille sur le flanc. Ils n’ont pas eu beaucoup de temps pour prendre les canots de sauvetage parce que le navire a coulé rapidement, en cinq ou dix minutes, je dirais. Ils n’ont donc pas eu beaucoup de temps. Plusieurs canots n’ont pas pu être mis à l’eau, beaucoup de personnes se sont accrochées à des morceaux de bois ou à n’importe quoi d’autre qu’ils ont pu attraper, et à des gilets de sauvetage. Puis, ensuite, il y a beaucoup de monde qui a été sauvé qui, en fait, ne savait pas nager. Et mes deux oncles, Oncle Stan et Oncle Harold, étaient en fait de très bons nageurs. Je ne sais pas s’ils sont restés avec mon grand-père, car mon grand-père est resté sur le bateau. Je ne sais pas s’ils sont restés avec lui, ou quoi. Mais en tout cas, les trois ont disparu avec le bateau.
« Et quand ils ont trouvé son corps, ils en ont trouvé deux – oncle Stan et oncle Harold, ils ont eu un peu de mal à retrouver mon grand-père au début, mais ils l’ont trouvé. Il avait une montre de poche sur lui, et elle s’est arrêtée je pense vers quatre heures, c’est à ce moment-là que la montre s’est arrêtée, le matin. Et il avait aussi sa boussole qui est maintenant la boussole de mon frère. Et la montre de poche, elle appartient à son petit-fils nommé Benjamin Taverner, en souvenir du capitaine Ben. C’est lui qui a eu la montre de poche.
« Toujours est-il que la nouvelle a frappé, il était tard lorsque la nouvelle est parvenue à Channel, à Port aux Basques. Ils ont alors commencé à envoyer des bateaux de pêche, tous les bateaux qu’ils pouvaient trouver, pour voir s’ils pouvaient repêcher des survivants. Le Grandmère, qui cherchait le sous-marin, ne l’a pas trouvé – on leur a dit de retrouver le sous-marin avant de repêcher les survivants. En tous cas, c’est ce qui est arrivé au Grandmère. Il est revenu après pour ramasser quelques passagers et tout ça.
« C’était donc un jour très émouvant et triste pour Port aux Basques, et pour les gens de Terre-Neuve aussi, parce qu’il y avait à bord des membres d’équipage et des proches venant d’ailleurs. En fait, il y avait des soldats des États-Unis et du Canada sur le même bateau. Ça touchait donc beaucoup de monde.
« Bon, comme je disais, il y avait beaucoup de personnes de Port aux Basques à bord du bateau – des passagers et des membres d’équipage. C’était, comme j’ai dit, très triste. Les gens ont été très durement touchés. Il a fallu beaucoup de temps pour s’en remettre, juste pour enterrer autant de corps en même temps, parce que tous les corps n’ont pas été enterrés en une seule fois. Ça a pris un bon bout de temps, parce que chaque jour, ils enterraient des personnes, et ça suscitait beaucoup d’émotions. Comme j’ai dit, je ne peux pas imaginer comment j’aurais réagi si j’avais vécu ça, ce que j’aurais ressenti. J’aurais probablement été très, très triste. Mais les gens ont fini par s’en remettre, je suppose, après un certain temps. On ne se remet jamais d’une telle tragédie, mais ils ont fini par reprendre le cours de leur vie. »