La scène la plus triste que j’ai vue de ma vie
Dans un hangar sur le quai de Port-aux-Basques, les 34 corps repêchés ont été lavés et habillés. Ceux des membres de l’équipage du S.S. Caribou reposaient par ordre de rang, avec le capitaine Ben Taverner en premier. Entre les corps du troisième officier Harold Taverner et celui du chauffeur Arthur Thomas, se trouvait celui du deuxième mécanicien, Thomas Moyst.
Présent pour identifier les victimes, Herb Moyst a confirmé ce que tout le monde savait déjà : son père en faisait partie. Il a raconté que cette journée-là, au lieu de célébrer l’anniversaire et la retraite de son père, il regardait « des médecins donner des calmants à des femmes pleurant la perte de leur mari ou de leur fils ». Les communautés de Channel et de Port-aux-Basques comptaient 21 nouvelles veuves et 51 nouveaux orphelins.
Mary Keeping, de Channel, a tenté sans succès d’identifier Abigail, l’enfant de Gertie Strickland, et son bébé Vera parmi les corps des enfants retrouvés. Le lendemain, l’oncle d’Abigail, Bert Strickland, a reconnu le corps de la petite Abigail et il l’a ramené avec lui à Rose Blanche. Un mois plus tard, le corps de bébé Vera, jusque-là non identifié, a été rendu à son père William. Elle a été enterrée à Rose Blanche, localité de naissance de ses parents.
Vingt-six des corps retrouvés n’ont pu être identifiés sur-le-champ. Ils ont été transportés par train à St. John’s dans des cercueils fabriqués par des gens des communautés de Channel et de Port-aux-Basques.
Un des survivants du naufrage, le cuisinier du S.S. Caribou Harold Janes, n’était pas encore remis de ses blessures quand il est revenu chez lui, à Port-aux-Basques. Il a regardé défiler de sa fenêtre le cortège funèbre long d’un kilomètre. « C’est la scène la plus triste que j’ai vue de ma vie », a-t-il confié.