Stupeur et colère à Terre-Neuve et au Canada
Une semaine après le naufrage du S.S. Caribou, Charles Moore, le représentant de la Newfoundland Railway, raconte comment le sous-marin a éperonné les canots de sauvetage et mitraillé les survivants lors de cette nuit fatidique. Son récit, publié dans des journaux de toute l’Amérique du Nord, a attisé la haine envers le régime nazi. Un des éditorialistes décrit un ennemi qui « remontait à la surface pour jubiler à la vue des morts ». En réalité, les journaux de bord du U-69 et du NCSM Grandmère indiquent que le U-boot n’a jamais fait surface après l’attaque.
Thomas Fleming, le seul officier survivant du naufrage du S.S. Caribou, s’est rappelé que le capitaine Taverner s’était plaint de devoir faire une traversée pendant la nuit. Les familles des victimes ont reproché à la Marine de ne pas avoir pris en compte les inquiétudes de Ben Taverner. De leur côté, les défenseurs de l’armée ont soutenu que c’était la Newfoundland Railway qui avait fixé l’horaire des traversées. Dans un article du Western Star de Corner Brook, le père endeuillé du sous-lieutenant d’aviation John Barrett a demandé pourquoi la direction de la compagnie ferroviaire n’avait pas changé l’horaire de la traversée du détroit de Cabot, mettant « inutilement en danger des vies humaines — la vie de femmes sans défense et d’enfants innocents ».
La plupart des Nord-Américains étaient furieux contre l’Allemagne. Sept jours après avoir été sauvé dans un radeau, le matelot de 2e classe Cecil Boohan est interviewé par une célébrité au théâtre Capitol d’Ottawa, lors d’une collecte de fonds pour les obligations de la Victoire. L’événement était diffusé à la radio nationale. Avant de quitter la scène, le matelot a déclaré avoir « hâte de retourner en mer pour aider à attraper ce sous-marin allemand ».
Mais Boohan a refusé d’être photographié, « je n’ai rien fait d’autre que de sauter à l’eau lorsque le bateau a coulé », a-t-il expliqué. Même sans photo, le témoignage du rescapé a permis de récolter trois quarts de milliard de dollars pour soutenir l’effort de guerre.