Des pêcheurs au bord d’un lac à Rémigny

Impatience…

J’ai une envie de printemps qui me travaille les méninges depuis quelques jours et mon impatience grandit lorsque je vois tomber les flocons de neiges, soubresauts d’un hiver qui agonise trop lentement à mon goût.

Depuis une semaine déjà, avril me tend une ligne agrémentée d’un appât pour le moins invitant et je me sens devenir aussi avide qu’un grand brochet du nord. La nouvelle page du calendrier qui me fait face affiche une illustration qui me rend malade. Une rivière y coule dans toute sa splendeur et son eau vive reflète la verdure d’une montagne nouvellement parée. Deux pêcheurs en tenue estivale s’affairent à la cuisson de poissons dans de grandes poêles en fonte. Je peux presque humer le fumet de cette friture, le parfum du feu de bois, le bouquet qui se dégage de la cafetière fumante…

Ici, une page de magazine me vante les mérites d’un nouveau moteur hors-bord; là, l’utilité d’une embarcation à pont ouvrant. Les vitrines des quincailleries sont envahies par les cannes, les moulinets, les coffres, les épuisettes et la myriade des appâts artificiels…

Il me faut une nouvelle paire de bottes; mon couteau à fileter a besoin d’un affûtage; il y a la mise en marche du moteur, le nettoyage du bateau, la vérification des divers accessoires. Je dois m’occuper afin de cesser de rêver à ce jour merveilleux de la mise à l’eau…

Ah! que le dégel se fait donc attendre!

– Extrait tiré de Abitibi : mon pays, mes humeurs.
Recueil de billets hebdomadaires publiés dans L’Écho Abitibien,
Val-d’Or, Imprimerie Lebonfon, 1980, p. 21, par René Duval.