Le Géant bipolaire, une légende vivante! – Troisième partie
Dans un excès d’orgueil, il trace ensuite des frontières, installe des piquets de clôture en redoutant les étrangers et monnaye son territoire. En fait, en recommençant à côtoyer son père dans la grande ville, près du fleuve, il se met à tirer le sud vers le nord, appliquant les mêmes recettes dans la même logique, mais avec un succès mitigé. Bas, en bon discoureur, sur son appel viril, quelques amis viennent le rejoindre dans son vaste territoire aux promesses larges comme leurs épaules pour y cultiver la suite de leur race de gens pâlis. Ils comptent le faire en ameublissant la terre glaise, en creusant des sillons et en rasant par endroit la chevelure verte de la nature. Les plus hardis à regarder leur avenir en face sur cette terre rustre, bientôt débarrassé des promesses vides du bipolaire, sont les plus habiles et les plus vaillants, pour qui le levain de l’histoire apportait surtout du pain sur la table et du beurre sur le pain.
Prétentieux jusqu’à vouloir réchauffer le climat austère par l’action des mains humaines, le géant, encore beau, s’est mis à fréquenter une coquette femme de la ville, présentée par son père. Elle est mince et elle lance souvent un sourire invitant à celui qui accepte de devenir pourvoyeur officiel de la famille. Leur idylle dure quelques fastes années.
Pendant que notre homme fort est sur un « high », plus longtemps qu’à l’habitude, sa belle donne naissance à leurs quatre enfants, alors que lui et son propre père signaient une entente pour hypothéquer la terre et l’exploiter de plusieurs manières.
Travaillant plus fort encore qu’à la poussée du glacier puisqu’il est coincé cette fois avec un stress rongeant ses nerfs, il se résout à faire passer le devoir avant le plaisir. Puis, excédés par l’ouvrage éreintant de l’aube au crépuscule, en plus de la guerre, la guerre qui sévit en contrés lointaines, emportant avec elle son plus vieux fils. Il entre dans un « down » monumental.
Éclopé dans son fort intérieur, le géant à taille humaine a tant négligé sa femme issue de la ville, de toute façon lézardée par l’ennui des foules, qu’elle l’a quitté pour retourner en ville avec leur fille, la plus jeune. Le claquage de porte violent et sonore laisse le pourvoyeur vide de projet, dans sa maison dépouillée de couleur. Or, l’hypothèque, oh! l’hypothèque n’attend pas. Le système roule 24 heures par jour. Il se convainc, plus bien que mal, que le travail c’est la santé…