Témoignage de Marie-Hélène Massy Emond, auteure-compositrice-interprète
Marie-Hélène Massy Emond est dans un cycle de création qui s’articule autour du féminin en région-ressource. Elle aborde les thèmes de la mobilité, du deuil, de la dépossession et s’y intéresse par la chanson, la captation sonore et les arts vivants. Elle s’interroge sur ce que signifie habiter la région : ce qui fait sa beauté, sa rudesse.
Transcription
C’est ça qui fait… c’est ça qui est intéressant de vivre en Abitibi, ce n’est pas le fait, de ne pas avoir accès à… au théâtre que je veux voir, ou au « show » que je veux voir le samedi soir… Ce qui est intéressant de vivre ici, c’est la possibilité d’imaginer… pas juste d’imaginer, mais d’appliquer, une vie liée avec la forêt boréale là! Il y a tant de ressources… puis ressources, je ne le dis pas dans le sens de région-ressource, mais il y a tant de choses… c’est vraiment un garde-manger! Pis ce n’est pas juste d’aller prendre quelque chose, puis de revenir chez soi avec, c’est aussi de… tu sais aller cueillir pis être dans le bois là… à part les bleuets et les framboises, que tu en as pendant… ici il faut que tu ailles la bonne journée, c’est-à-dire qu’il y a des températures, etc.. Il faut que tu sois attentif… les champignons par exemple, c’est une chose que j’apprends… je suis très amateur dans le domaine, mais c’est très intéressant ça : tu ne travailles pas ton jardin n’importe quand!
Tout est une question de « timing » et de cycles. Si les cycles, ça veut dire l’hiver… bien il faut que je sois capable de concevoir comment je vis l’hiver! Puis ça tu vois, c’est une chose qui fait encore partie des gros enjeux que j’ai, en vivant ici, c’est que je… je n’habite pas encore l’hiver comme quelqu’un qui vit manifestement dans huit mois sur douze, à peu près, de froid! Puis je pense que je ne suis pas là seule Abitibienne à mal habiter l’hiver, mais moi, c’est un de mes gros enjeux, sur lequel, dans mon quotidien, de travailler, que j’ai déjà travaillé, puis que j’ai envie de continuer à travailler, parce que ça n’a aucun sens! J’ai une amie qui me disait qu’on prend deux heures de plus par jour [ici] pour arriver à faire les mêmes choses! C’est à dire, tu sors de la maison, tu déglaces le « char », tu vas sur la route, tu risques ta vie… tu reviens, tu re-chauffes la maison… tout ça, c’est comme si c’était un peu des vies de débile… à partir d’ici. Mais comme ce sont les exigences, je pense que ça fait partie, ça fait partie aussi des violences de notre, de la dureté de notre territoire, de la violence de notre territoire… c’est qu’on a de la difficulté à accepter qu’il faut habiter l’hiver autrement.
Tu nourris un discours de l’industrie, tant que tu dis que ce n’est pas grave de vivre comme le, comme dans le « sud » ici. On… en faisant ça … moi tout ce que je fais, c’est de reconduire un discours qui dit que tu as accès à tout, tu as pas à te casser la tête avec le fait que tu vis dans le nord… aies une plus grosse voiture, mets un plus gros « block heater », ça va ben aller, faut que ton char soit plus neuf… Tout ça, ce sont des choses qui « m’écœurent », puis c’est aussi… le plaisir d’habiter ici, il passe par l’extérieur, il passe par cette nature-là, par cet environnement-là!
C’est comme ça que je le perçois présentement. C’est là aussi que… j’ai une énergie pour ça, parce que je ne suis pas toute seule à vouloir prendre soin de cet endroit-là!
Pour visionner le témoignage au complet sur TVC9, suivez ce lien.