Le Géant bipolaire, une légende vivante! – Deuxième partie
Écoutez Guillaume Beaulieu vous raconter sa légende à sa manière en cliquant sur l’extrait audio ci-dessous ou choisissez de la lire à votre rythme. Consultez la transcription intégrale ici.
Au temps premier de l’habitation sur ce territoire, seul un archipel émerge maintenant de l’eau avant que le géant ne cesse de compter le temps en milliers d’années. Tout en décélérant le temps, il se hisse sur une île et prend la sage décision d’utiliser ses pouvoirs pour se rétrécir de taille, afin de mieux habiter son archipel.
Dans une solitude lunaire, l’insulaire laisse sa peau se cuivrer au soleil vibrant. À tant voir dans les brumes matinales des nuages « Pelerin » se cumuler en montées fulgurantes, il fantasme ses terres qui apparaissent un peu plus d’année en année. Elles se révèlent d’une exubérante fécondité pour bientôt toute une faune « Polson ». Tout dans ce paysage lui sert, et à force d’arpenter son territoire sur trois autoroutes d’eau nord-sud, il «intelligibilise» ce qui l’entoure.
Quelques temps après, faute d’avoir soigné d’anciennes fêlures à l’âme, voilà notre géant devenu fragile et bipolaire. Sur un « high », il est prodigieux et fabrique un royaume, mu par une énergie herculéenne. Sur un « down », il est exécrable de pollution, de pillage et d’abandon.
Pendant ses bons moments, le géant s’éprend d’une belle femme anicinabe (algonquine) en premières noces. Elle offre des formes généreuses qui le font chavirer. Elle sait mener à bien leurs destins réunis, avec flair et clairvoyance. Ils sont ensemble, heureux, fiers et beaux, en quasi-autarcie sur les rebords d’un monde-continent. C’est avant que lui ne se mette à pâlir (pour ne pas dire blanchir) à force de se cacher dans ses baraquements de bois ronds humides, laissant libre cours à ses névroses et ses anxiétés par temps sombre. Il bardasse bientôt sa femme, puis la renie, tout comme le bel enfant qu’ils ont eu ensemble. Il les laisse vivre en marge, à distance du pouvoir. Elle et l’enfant vivent péniblement cette séparation et cette mise à l’écart, au point où ils perdent leurs repères, s’égarant dans les dédales d’une vaine recherche de considération.