Une lettre révélatrice d’une crise importante
Date: 15 février 1945
Source: The Guardian/Arrondissement de Verdun
Cette reproduction d’une lettre d’une Verdunoise expulsée de son logement en 1945 illustre bien l’effet dévastateur de la crise du logement et de la frustration qu’elle crée dans la communauté, surtout auprès des militaires et leur famille. Cette mère de trois soldats, alors en service, explique que sa famille doit vivre depuis trois ans dans un local commercial froid, sans pièce définie et sans aucun endroit où se laver.
Traduction de la lettre en français:
Une personne vivant dans un magasin vide ne mâche pas ses mots
« Dernièrement, j’ai commencé à apprécier l’utilisation par un zombie du mot “pauvre type” pour désigner un homme en uniforme qui s’enrôle volontairement. Je suis de plus en plus portée à croire que ce mot est juste.
« Si j’avais pu prédire ce qui nous est arrivé depuis 1939, croyez-moi, mes trois fils auraient revêtu la salopette plutôt que l’uniforme, et aujourd’hui, j’aurais ma propre maison. »
Voilà les sentiments exprimés par une femme ayant une grande famille dans une lettre adressée à ce journal.
« Je ne souhaite pas que mon nom et mon adresse soient publiés, car je ne veux pas que les gens qui ne le savent pas déjà devinent où nous nous cachons comme de vulgaires voleurs », affirme la femme qui n’écrit pas une lettre anonyme, mais dévoile son nom et son adresse.
Outre les déclarations ci-dessus, sa lettre se lit comme suit : « Je remarque qu’un certain nombre de Verdunois sont confrontés à l’éviction le 1er mai. Permettez-moi d’expliquer ma propre situation. J’ai été évincée il y a trois ans et, depuis, je vis dans un magasin abandonné pour lequel je paie un loyer de 25 $ par mois. Chaque hiver, j’utilise six tonnes de carburant. Le thermomètre se situe à 45 degrés le matin et peut atteindre 66 degrés le jour. Ma famille (trois enfants d’âge scolaire) n’a de bain que la piscine en été. Au cours des trois dernières années, un divan dans le couloir m’a servi de chambre, où de nombreuses souris me tiennent compagnie.
« Mes trois fils sont au front depuis 1939. Trois de mes filles contribuent à l’effort de guerre en travaillant dans des usines de munitions. L’une d’entre elles a déjà fait une dépression nerveuse à cause de notre milieu de vie. Je trouve que mon devoir envers mon roi et mon pays a largement dépassé les bornes. Où seraient le roi et le pays sans des fils comme les miens? Pourquoi se battent-ils? »
La rédactrice fait ensuite la remarque au sujet de l’attitude « zombie » et du fait que ses fils, s’ils avaient plutôt travaillé dans une usine, auraient pu lui permettre d’acheter sa propre maison.
Elle conclut comme suit : « Si seulement la rencontre des délégués pour approfondir la crise du logement s’était passée “chez moi” ou dans une des centaines de logements semblables, je vous garantis que Verdun aurait été déclarée une zone encombrée. Que savent-ils des zones encombrées ou des lieux impensables lorsqu’ils vivent dans ce qu’il y a de mieux? Comment peuvent-ils discuter de ces enjeux en toute connaissance de cause? »