Interview avec Sloan Watters
2001-0131 fonds Sloan Watters, Archives Arnprior & McNab/Braeside.
Sloan Watters pose à côté d’une grosse bille de bois à Temagami, vers 1957.
Sloan Watters commence à travailler pour l’entreprise des frères Gillies à l’âge de vingt ans, en 1947, et il y reste jusqu’à sa retraite en 1991. Il est d’abord camionneur à Temagami, et travaille ensuite comme mesureur de billes, pointeur, responsable de la paye, commis de dépôt et chef de bureau.
L’archiviste Laurie Dougherty a interviewé Sloan Watters le 30 septembre 2014.
SW : J’ai commencé en avril 1947. J’avais 20 ans. J’avais eu beaucoup d’autres jobs avant ça. J’ai fait de la prospection dans le nord du Québec, travaillé dans les mines à Timmins, et dans une tour d’observation dans le fin fond du bois à surveiller les feux de forêt un été. J’ai aussi été guide pour des chasseurs et des pêcheurs, et plus tard camionneur. Les Gillies commençaient à construire la cour à bois et transporter le bois à la scierie, et ils se cherchaient un camionneur. Quelqu’un m’a contacté, donc je suis allé les voir et ils m’ont engagé. Quand la cour à bois a été terminée, ils m’ont donné un poste de commis, puis un poste de pointeur. Je surveillais le temps de travail de tous les employés de la scierie.
LD : Et c’était à Temagami ?
SW : La scierie à Temagami, oui. Je devais faire une ronde deux fois par jour, le matin et l’après-midi, et vérifier que tous les gars étaient là. Puis ils m’ont donné le poste de responsable de la paye. Et après ça, j’ai été ce qu’on appelait un commis de dépôt dans les camps. Le commis de dépôt s’occupe des provisions, des installations, des salaires, du pointage et toutes sortes de choses pour les hommes dans la forêt. J’aimais vraiment ça aller voir les gars dans les camps de bûcherons. Ils étaient intéressants. La saison des camps commençait en juillet. Il fallait faire la liste de toutes les provisions, les installations et la mangeaille — c’est comme ça que les Gillies appelaient la nourriture des chevaux, la « mangeaille ». C’est un vieux mot, je pense. En tout cas, c’est le terme qu’un utilisait partout dans les registres. Il fallait déterminer tout ça pour deux camps de bûcherons et que tout soit prêt pour le 1er septembre, et les stocks devaient durer jusqu’au 31 mars. On estimait les provisions nécessaires pour chaque homme par jour, à trois décimales près. Si les cuisiniers coopéraient, ça marchait très bien. C’était tout un système, et la bouffe était très nourrissante pour des hommes qui font un travail physique aussi exigeant, et tout était déterminé à Braeside. Si je me souviens bien, c’était Frank Bronskill, le secrétaire-trésorier original, qui s’en occupait avec D. A.
On achetait toutes les provisions et les installations et on les livrait au dépôt de la scierie à la mi-août. On achetait un wagon rempli d’avoine de James Richardson & Sons à Winnipeg. C’était des graines d’avoine, alors les Gillies s’occupaient vraiment bien de leurs chevaux à Temagami. Même chose avec le foin, quand on en achetait pour les camps, ça arrivait en bottes de 144 lb attachées avec de la broche à foin, et la broche à foin était un des outils les plus pratiques qu’on avait sous la main dans les camps et à la scierie. On n’en voit plus de nos jours, mais à l’époque il y en avait partout. Et le foin qu’on achetait, c’était la meilleure fléole et la meilleure luzerne qu’on pouvait se procurer. On achetait aussi un wagon rempli de patates de l’Île-du-Prince-Édouard, qui arrivait en même temps. Et du bœuf selon les besoins. On l’achetait par demi-carcasses, qui arrivaient par wagon de Canada Packers à Toronto. C’était une méchante job de commander autant de stock et s’assurer que tout soit prêt à partir à temps, parce que D. A. voulait que les camps soient en activité dès le 1er septembre. Il voulait cent billes de bois abattues le 1er septembre dans chaque camp. « Allez-y et mettez-vous au travail », qu’il disait.