Témoignage de Gordon Hardy, survivant du naufrage du Rose Castle
Avec l’aimable autorisation de The Memory Project, Historica Canada
utilisé avec autorisation
Témoignage de Gordon Walter Hardy d’Ingonish, Nouvelle-Écosse, qui a survécu au naufrage du SS Rose Castle le 2 novembre 1942 :
« Je me suis engagé dans la marine marchande [canadienne] quand j’avais 17 ans, en 1941. Nous sommes partis [sur le SS Rose Castle] de Sydney [Nouvelle-Écosse] pour aller aux mines de fer de Bell Island [Terre-Neuve]. Le 2 novembre [1942], nous étions chargés [de minerai de fer] et nous avons ancré le bateau au large de la Baie de Conception [Terre-Neuve], en attendant de partir pour Sydney. Ceux qui n’étaient pas de service, nous étions au lit, endormis. Un peu après minuit, j’ai entendu une terrible explosion, je dormais. J’ai sauté du lit, il y avait une lumière au-dessus de mon lit, une avec chaînette, j’ai tiré dessus. Et il n’y avait pas de lumière, alors je savais nous avions été torpillé à l’avant. Je pouvais sentir le bateau trembler dans mon lit, je dormais profondément. »
« Et je suis sorti en courant sur le pont, mon gilet de sauvetage à la main, comme je m’y attendais, quand je suis arrivé sur le pont, il y avait le second mécanicien Jimmy McDonald, non il était plutôt le troisième mécanicien, de Barachois Harbour [Nouvelle-Écosse], et le second mécanicien de Louisbourg [Nouvelle-Écosse], et ils avaient une lampe de poche. Et j’ai regardé et j’ai couru, ils ont commencé à me parler, je suis reparti en courant vers le petit capot, tout près de l’endroit où je leur parlais, et au lieu j’avais mon oreiller, je dormais toujours avec mon gilet de sauvetage sous mon oreiller. Donc, je me suis rendu compte que j’avais mon oreiller, alors je l’ai jeté par terre et je suis allé chercher mon gilet de sauvetage en courant, et je n’ai pas pris le temps de le mettre, de passer un bras à la fois, le gilet de sauvetage était lourd, il était serré. Et je devais l’attacher, mais je n’ai pas pris le temps de l’attacher. »
« Alors, j’ai couru vers la rambarde et ils m’ont dit : où vas-tu, Hardy ? Et j’ai dit, je vais par-dessus bord. Ils m’ont dit, ne saute pas dans cette eau froide, ça va te tuer. J’ai dit, c’est mieux de sauter dans l’eau froide que de prendre le risque d’être tué par une autre torpille. Ils m’ont dit : “Tu penses qu’il va y en avoir une autre ?” Et j’ai dit, on va l’avoir d’une seconde à l’autre. J’ai dit, il va y en avoir deux. Et je me suis mis debout sur la rambarde et j’ai dû sauter et la torpille, je suppose, est arrivée du côté opposé et je suppose que ça a aidé parce que j’ai plongé ou sauté la tête la première et j’ai frappé l’eau, et juste au moment où j’ai frappé l’eau, eh bien, comme je l’ai dit, la torpille a frappé du côté opposé à travers la salle des machines. Il a coulé en, je dirais 50 secondes, certains ont dit 30 et d’autres prétendent de 30 à 90 secondes, mais il a coulé en moins de 90 secondes. »
« Quand il a coulé, le bateau m’a emmené avec lui, la succion. Mais je n’ai pas arrêté de nager, même quand j’ai frappé l’eau, je bougeais. Et quand j’ai commencé à remonter, j’ai nagé et nagé, sans savoir jusqu’où j’étais descendu. Et je suis revenu à la surface de l’eau. J’avais avalé de l’eau et ça m’a ralenti, m’a rendu à moitié malade, et je commençais alors à avoir froid parce qu’il neigeait et le vent était froid. J’imagine que le vent était probablement du nord-ouest ou du nord-est à ce moment-là, mais il était très froid. J’ai donc nagé et je pouvais entendre les gens autour de moi qui priaient Dieu et la Vierge Marie dans l’obscurité. Tout était sombre, il faisait très noir. »
« Et je suis resté dans l’eau au moins deux heures et je suis tombé par hasard sur un radeau de sauvetage, ce type m’a tendu la main, j’étais trop faible, j’avais trop froid pour monter sur le radeau, alors il m’a tendu la main et m’a dit, «je suis très heureux de te rencontrer, Gordon.» Il a dit, «nous sommes cousins germains.» Et c’était la première fois que je le voyais ou que j’entendais parler de lui. Il était de Port Aux Basques, à Terre-Neuve. Il avait un frère à bord, son frère a été emporté au fond de l’eau dans le navire cette nuit-là, et il a survécu. Il m’a tiré à bord et je n’avais pas de vêtements. J’avais si froid que j’ai dû retourner dans l’eau, il y avait un trou au centre du radeau [Carley] avec un fond dedans. Et j’ai dû me mettre là, dans l’eau, parce qu’il faisait plus chaud là qu’à l’extérieur. »
« Un Fairmile [bateau à moteur] est venu nous chercher sur le radeau. Je ne pouvais pas me tenir debout, alors un gars s’est penché vers moi et l’autre gars l’a tenu. Et il a serré ses deux mains autour de mes poignets. Et c’était le moment le plus fort que j’ai jamais vécu de ma vie. Je savais que j’allais passer à travers. »